Le management des jeunes professionnels à l’heure des réseaux sociaux

Le management des jeunes professionnels à l’heure des réseaux sociaux : ruptures et continuités

« Chaque génération se croit plus intelligente que la précédente et plus sage que la suivante. » (George Orwell). Pas convaincu(e) ? Souvenez vous la génération « Mai 68″… Elle a été « légèrement mal perçue » par ses parents. Et cette génération « Mai 68″ ressent désormais un fossé entre elle et les jeunes d’aujourd’hui. Plus ça change, plus c’est pareil en quelque sorte. Les jeunes d’aujourd’hui, à savoir la génération Z ou génération des « écho-boomers » est déstabilisante mais tellement riche. Très connectée, elle fait un usage intensif des réseaux sociaux. D’une manière générale, la digitalisation avancée de cette génération a de fortes conséquences sur sa vision de la société et de l’entreprise. Quelles sont ses valeurs ? Comment bien la manager et la motiver dans un univers professionnel ?

LES VALEURS DE LA GENERATION Z

On a beaucoup parlé des baby-boomers et de la génération Y, celle qui a défriché le Web dans les années 90. Désormais, on évoque la génération Z, la génération des ceux qui sont arrivés récemment sur le marché de l’emploi ou qui sont sur le point de le faire. Pour faire simple, disons que cette génération Z (ou « Echo-boomers » pour les sociologues) a entre 18 et 25 ans. Ils sont jeunes, ils sont digitaux et peuvent faire peur aux recruteurs. Pourquoi ? Parce que le contexte technologique, économique, social et environnemental les a notamment rendus connectés, émotifs et plutôt désinhibés. Tout en conservant un socle commun avec les générations antérieures, chaque génération vient avec son lot de surprises. Un vrai « changement dans la continuité » lié notamment à la digitalisation du monde. Débutée dans les années 90 pour la génération Y, cette digitalisation s’est accélérée dans les années 2000 pour la génération Z. Ce qui a été imaginé il y a 15 ans est désormais une réalité : mobilité, support tactile, hyperconnectivité, identité numérique, …

• Une génération particulièrement mobile et connectée

ATAWAD, vous connaissez ? Cet acronyme signifie : AnyTime, AnyWhere, AnyDevice, traduisez “n’importe quand, n’importe où, n’importe quel terminal”. L’évolution des smartphones et autres supports mobiles rend concret cet acronyme qui existe pourtant depuis au moins 10 ans.

La génération des « Always on » est en marche, les yeux rivés sur son support mobile. Plus de 50% du milliard d’utilisateurs de Facebook à travers le monde se connectent mensuellement via un support mobile (smartphone, tablette, …).

• Une génération « vite, vite, vite »

« Tout, tout de suite ». La génération Z se donne un rythme effréné et privilégie le « multi-tâche ». Le temps se compresse pour elle… du moins en apparence sachant que la réactivité face aux stimili externes n’est pas forcément tenable / souhaitable à long terme. a facebooke, ça tweete, ça youtubise. Est-ce que ce phénomène du « Je veux tout, tout de suite » est nouveau ? Pas vraiment, la jeunesse est impétueuse et c’est d’ailleurs ce qui en fait sa force et son intérêt.

• Moi et les autres

Ils sont particulièrement digito-sociaux et émotionnels. Ils réseautent énormément en prenant soin de distinguer 2 niveaux de liens. Mark Granovetter, dans les années 70, a montré qu’au sein d’un réseau social, les liens faibles sont plus puissants que les liens forts. Les liens forts sont ceux qui nous unissent à notre famille, nos amis, voire à nos collègues que nous voyons régulièrement. Les liens faibles sont les liens qui nous unissent aux individus que nous voyons rarement ou qu’occasionnellement.

Ces liens faibles sont moins chargés en émotion, en intimité et en réciprocité que les liens forts. Sachant que ces individus naviguent dans d’autres sphères que les nôtres, ils sont plus à même de nous faire découvrir des territoires inconnus, des opportunités “invisibles” dans nos sphères. Leurs informations viennent compléter celles auxquelles nous avons nous-mêmes accès dans nos cercles. Dans son étude, Mark Granovetter démontra que la plupart des gens trouvaient un job via leurs liens faibles plutôt que par leurs liens forts. LinkedIn et Viadeo ont été bâtis sur cette idée. Sur d’autres réseaux comme Facebook, les interactions comme le “j’aime” sont particulièrement adaptées pour maintenir des liens faibles. Elles ne nécessitent pas une forte implication émotionnelle, sont rapides à réaliser, un clic suffit pour garder le contact. Les liens forts sont plus impliquants. Selon le nombre de Dunbar, il y a une limite au nombre d’amis avec lesquels une personne peut entretenir une relation stable à un moment donné de sa vie. Cette limite, le nombre de Dunbar, est inhérente à la taille de notre néocortex et s’élèverait à environ 150 personnes. En revanche, en termes de liens faibles, la limite est de plusieurs milliers.

• Quête de liberté et consommation temporaire

Leur rapport aux choses a fortement évolué : avant, on achetait, on réparait. Maintenant, la génération Z loue, échange, recycle. La possession n’est plus une fin en soin. Cette génération privilégie la possession temporaire à la possession permanente. Cette possession temporaire lui permet de tenter de nouvelles expériences et d’accéder d’une façon continue à des biens qu’elle ne peut pas / ne souhaite pas acquérir tout en respectant ses préoccupations environnementales. Cette possession à durée limitée lui procure un sentiment de liberté et de fluidité dans la gestion de sa propre vie.

3 exemples :

- Transport : création des services de partage Velib’ et Autolib’

- Biens culturels : les services de vidéo à la demande

- Biens de consommation : sites web de location de sacs de luxe ou de « box tout compris »

Dans cette quête du « sans contraintes », du « seamless », la dimension ludique est fondamentale. La génération Z a besoin de divertissement. On parle de « ludification », de « gamification » de la société. Il faut ruser et amuser pour faire passer ses messages. La tendance a débuté avant la génération Z mais elle s’est accélérée depuis quelques années.

• Un rapport nouveau à la connaissance et aux idées

Le partage pléthorique d’informations et d’analyses conduit à une nouvelle situation : l’externalisation du process cognitif et des connaissances qui sont désormais consultables à tout moment sur le web. Sachant que la probabilité pour que quelqu’un ait partagé l’info sur tel ou tel sujet est forte, certains internautes peuvent ne pas chercher à mémoriser l’info. : ils savent qu’ils y reviendront en temps voulu via Google ou les réseaux sociaux. Conséquence : les jeunes peuvent être tentés de ne pas cultiver leur mémoire, leur attention, voire leur sens critique. En revanche, ils seront capables d’aller rechercher l’information ou de demander à un « lien faible » de les aiguiller. L’intelligence devient réellement collective : la connaissance réside dans le groupe. Bon à savoir !

Ce nouveau rapport à la connaissance a des conséquences sur leurs rapports au corps professoral et donc à la hiérarchie : « Google en sait plus que mon professeur / mon supérieur hiérachique alors je suis tenté de remettre en cause son autorité. » D’où la nécessité de transmettre les compétences et de les manager selon certaines règles pour ne pas rompre inutilement le dialogue.

LA GENERATION Z ET LE MONDE PROFESSIONNEL

Le monde professionnel est toujours un saut dans l’inconnu pour les nouvelles générations. En situation professionnelle, la génération Z est particulièrement créative, connectée et participative.

• Un plan de carrière à réenchanter

Vive l’entreprenariat ! Elevée dans un environnement de crise et bercée par les success stories professionnelles de jeunes entrepreneurs, la génération Z est lucide sur les plans de carrière et la pérennité de l’emploi dans les grandes ou les petites entreprises. Aventuriers, elle est attirée par le fait d’expérimenter l’entreprenariat. L’entreprise est un lieu de passage pour la génération Z qui sait qu’il lui faudra changer d’entreprise et de métier plusieurs fois dans sa vie.

Devant leur baisse d’attractivité, certaines sociétés ont élargi le périmètre de leurs recrutements pour accueillir des candidats venant de nouveaux horizons. D’autres développent des postes « d’intrapreneurs » pour les jeunes aventuriers.

Dans certains cas, l’incompréhension entre la génération Z et les entreprises provient de la forte dimension émotionnelle de cette génération. Oui, cette génération est à fleur de peau, les contraintes sont mal vécues, d’où l’importance de ne pas sur-réagir et de faire preuve de patience face à ces réactions. Avec de l’empathie, les choses rentrent dans l’ordre.

• La consumerisation IT de l’espace de travail

Désormais, en termes d’équipement technologique, ce n’est plus l’environnement pro qui influence l’environnement perso mais l’inverse. La génération Z vient avec ses propres outils et ses réseaux sociaux sur son lieu de travail. Pour la petite histoire, une stagiaire nous a demandé préalablement à son stage si elle devait apporter son propre ordinateur portable pour travailler. Révélateur, non ?

La mise à disposition d’un ordinateur portable ou d’un smartphone professionnel renforce le flou entre vie privée et vie professionnelle et facilite le travail à distance. La génération Z apprécie ce flou. Dans ce contexte, le management par objectif apparait comme une solution : plutôt que de s’attarder sur certaines règles liées aux moyens mis en oeuvre, mieux vaut laisser une liberté cohérente aux jeunes professionnels dont la préoccupation doit rester l’objectif.

• Besoins d’interactions personnelles

Selon l’enquête « Référence des usages en entreprise » menée par Microsoft, il apparait que les TIC transforment progressivement les entreprises de l’intérieur. Le web social est central dans cette transformation.

Au sein des entreprises, 2 cultures complémentaires sont en interaction : la culture des “Ludens” et la culture des “Faber”. Les Ludens (génération Z, voire génération Y) sont fondamentaux dans la compréhension de ce qui va arriver en matière d’usages. Ils montrent la voie et les écouter permet de gagner du temps dans le bon usage du web social tant en interne qu’en externe. Les Faber (les « sachants ») ont beaucoup à apprendre des Ludens (les « apprenants », les jeunes).

FabLud

Plus que jamais, il est nécessaire de s’entourer de Ludens, de jeunes professionnels pour comprendre ce qui va être. Leur créativité et leur usage des outils numériques sont particulièrement enrichissants pour innover.

La collaboration entre Fabers et Ludens peut passer par la mise en place d’un Réseau Social Interne d’Entreprise. La réussite reposera notamment sur le partage d’expertises et les collaborateurs moteurs au sein de l’entreprise. Le facteur humain sera déterminant pour la pérennisation des échanges.

• Vers une entreprise fluide

Sur le plan organisationnel, l’orientation “web social” a des fortes conséquences sachant que le modèle hiérachique a tendance à passer d’une approche “top-down” (du haut vers la base) à une approche “bottom- up” (de la base vers le haut). Bien sûr, ce changement de modèle hiérarchique est variable et plus ou moins avancé selon les tailles d’entreprise, les secteurs d’activité, les marchés adressés. Pour faire court, la nouvelle orientation “web social” passe notamment par :

- Moins de hiérarchie, des organisations plus plates

- Des interactions moins formelles, plus spontanées et non-linéaires

- Plus de partage

- La mise en place de groupes de projet

La génération Z est une génération fluide et participative. Cette fluidité est riche d’enseignements pour le monde professionnel qui repose encore trop sur un modèle hiérarchique pyramidal. Autant tirer profit de la vision revigorante de la génération Z.

En conclusion, nous assistons à une accélération des cycles dûe notamment au contexte digital & économique. Dans ce cadre, la génération Z a développé des spécificités digitales et « énergisantes » qui font sa force. Sa créativité et sa vision digitalisée du monde sont autant d’atouts à utiliser en symbiose avec les standards des générations précédentes : Les échanges intergénérationnels faits en bonne intelligence seront créateurs de valeur. Tout cela reste à observer sur une période longue (5-10 ans) sachant que la génération Z nous donne un aperçu du futur. Comme l’a dit William Gibson, “le futur est déjà là. Simplement, il n’est pas réparti de manière uniforme.”

 

Papier rédigé par votre serviteur dans le cadre d’un livre blanc publié par le LAB (Laboratoire Assurance Banque)   logoLAB

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